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A qui profitera cette dernière page de la crise endémique de la société haïtienne?

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Dans la seconde moitié de l’année 2018, un vaste mouvement de protestation a été déclenché dans le pays à partir des réseaux sociaux où des jeunes ont posté leur photo avec cette inscription #kotkòbpetwokaribea? après que les Sénateurs Moise Jean Charles, Youri Latortue, Evalière Beauplant, les hommes de loi et aussi les leaders politiques Me. André Michel, Me. Newton Louis St Juste avaient en maintes fois attiré l’opinion publique sur la dilapidation des fonds que l’Etat vénézuélien avaient octroyés à l’Etat haïtien à travers le programme petro caribe, sous les gouvernements de René Garcia Préval, celui de Joseph Michel Martelly, de Jocelerme Privert et de Jovenel Moise avec leurs différents premiers ministres. Les protestations se sont amplifiées pour finalement gagner les rues. Des manifestations monstrueuses et menaçantes organisées un peu partout à travers le pays se répètent. Des événements du 6 et 7 juillet 2018 n’ont pas été moins importants suite à l’annonce, par le gouvernement, de la hausse des prix des produits pétroliers. Ils ont pu servir de leitmotiv au mouvement petro caribe qui allait se déclencher. Mais comme un sous marin, le mouvement s’est noyé quelques mois plus tard dans les festivités traditionnelles de fin d’année. Mais ce dossier, qui avait été au parlement et envoyé à la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, attendait un examen aux fins d’un rapport qui devait être sorti au cours des premières semaines de janvier 2019. Le 14 janvier 2019, ceci a été fait. Et en guise d’une manne à l’opposition, la cour a confirmé le nom du Chef de l’Etat, déjà insupportable dans les milieux de l’opposition, mentionné du nombre des personnalités épinglées dans ce rapport.
Comme si de l’eau était arrivée au moulin, les protestations se reprennent avec une ampleur démesurée. Dans une manifestation organisée par l’opposition à Port-au-Prince le 7 février dernier, la presse étrangère a parlé de plus de 3 millions de participants. La principale revendication : le départ du Président de la République du pouvoir. Entre ce 7 février jusqu’au 14, malgré la violence des manifestations qui se sont poursuivies toute la semaine avec des casses, des blessés et des morts, en plus une situation où la population est prisonnière chez elle, le président de la République a attendu jusqu’au soir du jeudi 14 février pour s’adresser à la nation. Un discours de 7 minutes que beaucoup jugent vide et inapproprié, que les principaux leaders de l’opposition qualifient même de déclaration de guerre ; un discours, où le Président de la République associe les mouvements de protestation à des activités de terroristes, de gangs armés et de dealers de drogue, mal emballé dans un appel au dialogue. Les mouvements continuent avec le renforcement de la position relative au départ.
Des contradictions.
Depuis le lancement du mouvement petro caribe, il y avait une tentative de la part d’un secteur de s’approprier timidement du mouvement. Alors, on avait interdit aux politiciens connus et influents de s’y immiscer, arguant que le mouvement est une initiative citoyenne et que la politique n’aurait rien à voir là-dedans. On a certainement oublié que cette affaire de petro caribe avait été drainée dans l’opinion à partir des actes politiques tels que : deux rapports, du Sénat de la République étant une assemblée politique, produits par des hommes politiques. On a certainement oublié aussi même avant ces rapports du Sénat, les dénonciations relatives à la dilapidation des fonds petro caribe avaient été aussi introduites dans l’opinion par des hommes politiques. Dans ces manœuvres, certains soupçonnent la création d’une nouvelle force politique où déjà des noms y circulent entant que candidats à la Présidence. Des rumeurs font croire que cette nouvelle force politique serait à la recherche d’une centaine de jeunes candidats vierges, c’est-à-dire des jeunes qui n’avaient déjà eu aucun rapport avec une quelconque force politique existante.
D’autre part, il est évident que les hommes politiques, quoique accomplissant une œuvre d’importance citoyenne au prime abord, recherchent naturellement des retombées politiques. Et c’est dans cette optique qu’ils attachent le dossier petro caribe beaucoup plus à la finalité du départ du Président de la République qu’à l’organisation d’un procès. Il semble qu’ils sont sur le point de gagner la partie mais toujours une autre contradiction bien plus profonde martèle encore les résultats escomptés. En effet, les chefs de l’opposition radicale, qui n’entendent autre chose que le départ du Président de la République, n’arrivent toujours pas à s’entendre autour d’une position commune pour présenter une alternative au pouvoir actuel. Si pour certains chefs de cette opposition c’est un juge de la cour de cassation qui doit remplacer Jovenel Moise, pour d’autres c’est le Premier Ministre ; et chacun s’appuie sur une version différente de la constitution de la République : l’initial de 1987, et la version amandée avant le départ de Préval en 2009 mais non sans intérêts particuliers car toujours est-il que la politique demeure un jeu d’intérêt. Le jeu d’influence se joue déjà bien avant même le départ de Jovenel. Ce que les analystes reconnaissent comme la triste pratique traditionnelle dans la politique haïtienne de « ôte toi je m’y mette » qui est aussi un mépris au peuple, à ses revendications, à ses aspiration et à son bien-être.
Les revendications du peuple
Contrairement à ceux qui ne cherchent qu’à s’emparer du pouvoir pour placer des hommes qui seront à leurs ordres dans un gouvernement provisoire aux fins de garantir leur accession au pouvoir dans les prochaines élections les revendications du peuple vont bien plus loin. Le peuple réclame un changement de système : le renvoi du parlement, l’organisation d’une conférence nationale, la promulgation d’une nouvelle constitution, l’organisation de bonnes élections et l’installation d’un gouvernement, constitué par des hommes et des femmes honnêtes, conscients de la nécessité de transformer les conditions de vie de la population, qui mettra un terme à l’impunité, à la corruption en passant par le procès historique sur la dilapidation des fond petro caribe.
Parlant de l’opposition politique, il faut la considérer dans toute sa pluralité. S’il y a une opposition radicale construite avec des politiciens de tous poils, des politiciens qui se disent fins et intelligents, qui maitrisent le jeu du momentum, qui savent quand il faut s’allier sans aucune considération sur la question d’idéologie, de vision, de plan, de programme, et quand il faut trahir et quitter. Il y a une opposition modérée construite avec des hommes qui se donnent une certaine conduite, une certaine retenue, qui tiennent à une certaine morale politique, qui ont une idéologie, qui ont une vision, qui poursuivent un projet et qui veulent réellement travailler au progrès de la société. Cette frange est minoritaire parce qu’elle n’approuve pas le populisme, elle se démarque des discours faciles et des promesses fallacieuses à la population. Mais elle est combative et elle a foi en l’avenir d’Haïti. Scrutant la profondeur de la crise, cette frange, se voulant réaliste, croit dans un dialogue national où les antagonistes, tous les acteurs de la crise seraient prêts à consentir n’importe quel sacrifice au bénéfice du pays. Chaque jour qui passe ce projet de dialogue devient de plus en plus difficile mais jamais il ne serait impossible. Même dans le cas où deux pays ennemis seraient en guerre, ils laissent ouvert un espace où ils peuvent se rencontrer chaque fois que cela s’avère nécessaire. On ne peut pas s’expliquer comment nous autres haïtiens, filles et fils d’une seule et même nation on se bat et, dans les yeux de chacun, on voit l’autre comme étant une bête féroce qu’il faut détruire à tout prix.
Parallèlement à l’opposition politique, certains hommes d’affaires de la petite bourgeoisie traditionnelle haïtienne sont à couteaux tirés avec le pouvoir parce que dit-on, le Président de la République leur a enlevé des contrats juteux et des avantages extraordinaires de l’Etat. On dit que ce sont ces hommes qui financent une bonne partie de la mobilisation avec les casseurs.
S’il y a une énigme véritable à l’intérieur de ces mouvements de revendication, ce sont des hommes lourdement armés qui sont d’ailleurs recherchés par la police, qui avaient défilé lors d’une marche aux cotés de certains manifestants qui leur criaient vive et d’autres qui les regardaient perplexe.
Où en sommes-nous?
L’ancien Sénateur de la République, ancien constituant, l’homme de loi Raynold Georges a déclaré sur les ondes de la radio Caraïbe, une station de la capitale haïtienne : ce n’est pas seulement le peuple qui est en train de manifester aujourd’hui, Président Jovenel Moise, lui aussi, est en train de manifester contre la présence de Jean Henry Céant à la tête du gouvernement. Sur le tableau, alors peut-on lire, le peuple réclame le changement du système, l’opposition politique radicale réclame le départ du Président de la République; l’opposition modérée, la tenue d’un dialogue national; le Président réclame le départ du Premier Ministre donc, du gouvernement.
Dans l’intervention du Chef de l’Etat faite sur la chaine de la Télévision Nationale d’Haïti (TNH), il a clairement dit que ce serait une trahison au peuple haïtien qui l’avait choisi de démissionner et de laisser le pays entre les mains des trafiquants de drogues. Intervenant sur les ondes de la radio Méga, l’éminent Sénateur de la République, Youry Latortue demande au journaliste qui lui rappelle la volonté du peuple de renvoyer le parlement; le Sénateur a souligné au journaliste qu’il n’est prévu nulle part dans la constitution un quelconque article qui autoriserait personne à renvoyer le parlement. Aux dires des partisans du Premier Ministre intervenant incessamment dans les medias, le PM n’entend aucunement démissionner. Au contraire, à un éventuel départ du Président, c’est lui qui le remplacerait en qualité de Premier Ministre selon les prévisions constitutionnelles. Mais dans tous les cas, le plus inquiétant c’est qu’aucun signe de dialogue ne se pointe à l’horizon.
En 1915, à la faveur d’une lutte fratricide entre nous-mêmes haïtiens, nous avons ouvert la porte aux américains qui nous ont placés sous tutelle jusqu’en 1934. En 1994, lorsque nous avions renversé l’ordre démocratique que nous avions nous-mêmes instauré, cela a permis à nouveau aux américains de refouler notre sol sacré de liberté. En 2004, le même scénario s’est reproduit, lorsque nous avions refusé de nous entendre, nous avions offert aux Nations Unis l’opportunité de placer ses troupes dans le pays qui l’ont pas encore quitté pratiquement jusqu’à aujourd’hui. Nous avons dans l’âme, dans l’esprit et dans nos sangs la souillure de ces occupations. Pour éviter au pays à nouveaux cette humiliation, le dialogue inter haïtien est indispensable.
Peu importe que vous soyez du camp de l’opposition, que vous soyez de celui du pouvoir, l’essentiel est de vous rendre compte du fait qu’Haïti soit aujourd’hui encore l’un des pays les plus pauvres, les plus corrompus, les plus arriérés de la planète alors qu’il a été la première république de nègres et de nègresses libre et indépendante de la planète.
La prise du pouvoir politique rien que pour satisfaire ses egos finalement ne peut être profitable à personne. Travailler à faire d’Haïti un pays digne de ses fils et de ses filles, voilà un objectif que des citoyens et des citoyennes conséquents du pays devraient poursuivre.
Nos ancêtres se sont sacrifiés pour forger cette nation qu’ils nous ont léguée en héritage. Faisons le sacrifice de garder cette nation dans la vocation de grandeur qu’elle a été forgée.
Sem Lapaix
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